Clarisse Agbegnenou à propos du «tabou des règles » dans le sport.

Comment Clarisse Agbegnenou et Réjeanne Underwear en rajoutent une couche sur les règles et les injonctions de « féminité » avec une nouvelle collection de culottes menstruelles.
Ecrit par Lola Mansour

Aujourd’hui, les Championnats du Monde de judo commencent, pour le plus grand plaisir des supporters et supportrices (dont je fais partie). Clarisse Agbegnenou, véritable prodige de notre art-martial, tentera d’ajouter un cinquième titre mondial à son palmarès déjà exceptionnel.
En tant que fan inconditionnelle, j’étais encore plus enthousiaste d’apprendre que « Clarisse Agbegnenou brisait le tabou des règles dans le sport », selon l’en-tête d’un article.
MAGNIFIQUE, une telle pointure du sport qui s’engage sur une problématique aussi importante! Hélas, je n’ai pas tardé à m’étouffer avec ma frite de patate douce (il faudrait que je perde ce réflexe de mastiquer devant ma tablette!) en découvrant les détails de cette supposée « révolution » menstruelle… Ma désillusion était si profonde que je n’ai pas résisté à l’urgence de saisir mon clavier et d’enfoncer compulsivement les touches jusqu’à ce que mes onomatopées ahuries se transforment en propos intelligibles.



D’abord, regardez la vidéo suivante👇:

🕯Désolée pour la qualité médiocre et les reflets, Bastien (le créateur du blog) m’a déjà montré comment intégrer directement une vidéo instagram ou Facebook (vidéo explicative à la clé), mais ma grand-mère de 87ans s’en sort mieux que moi à ce niveau-là! J’ai donc filmé le reportage avec mon tél…

source: Instagram de Réjeanne @rejeanneunderwear

Décortiquons un peu…

Dès les premières images, le ton est donné: poses lascives et sous-vêtements « sexy », de quoi satisfaire le « male gaze » omniprésent dans les dictats de la mode, des affiches publicitaires et du marketing (pour ne citer que ça!). Jusque là, rien d’innovant, juste du copy-paste d’un défilé de lingerie, sauf que la mannequin a + de 15ans, des muscles autour des os et elle peut se permettre plus qu’un yaourt maigre pour son « cheat meal ».

 « Même si on a nos règles, on fait avec »
La voix-off annonce ensuite: « la championne lève le voile sur un tabou dans le monde du sport ». Va-t-elle s’exprimer sur le syndrome prémenstruel? L’endométriose? Les soucis liés à la pilule et la prise d’hormones? L’ignorance des coachs sur ces problématiques? Des programmes sportifs qui ne tiennent jamais compte de ces facteurs? La précarité menstruelle? Les désherbants (et autres produits chimiques) qu’ils foutent dans les serviettes hygiéniques et tampons et du choc toxique que cela peut provoquer? Dénoncer l’exclusion des femmes dans certaines régions du monde quand elles ont leur règles car elles sont considérées comme étant « impures »?…
Rien de cela! A l’inverse, elle confirme (spoiler alert!) que la moitié de la population mondiale est bel et bien réglée, puis « on fait avec », malgré les douleurs et les gênes. Alors en effet, on poursuit nos activités car nous n’avons pas le choix et nous avons appris à souffrir en silence, à serrer les dents (et les fesses par la même occasion!). Aussi, faudrait-il rappeler, que nous ne sommes pas égales face aux douleurs menstruelles. Si certaines ont la chance de traverser leurs cycles avec quelques crampes inconfortables, d’autres vivent un véritable supplice chaque mois qui les épuise et les empêche de fonctionner. Des milliers de femmes souffrent de ce manque de considération et de cette honte construite autour des règles.
Un tel discours continue à culpabiliser les sportives et les femmes et donne raison au système sportif de poursuivre ses planifications comme si les règles n’existaient pas.
Clarisse l’évoque elle-même: « On s’entraîne pareil. Il n’y a pas de changements au niveau des entraînements, je pense que les entraîneurs ne le savent même pas! ». Je répète: « Les entraîneurs ne le savent même pas ». Vous comprenez le problème ?

En bouquet final, le festival d’oxymores avec la présentation du « string menstruel » et du « tanga menstruel » de la collection créée par Clarisse. « Sexy et confortable », selon le reportage, « le duo gagnant pour faire du sport ». Même sans les cascades de sang, pourrait-on m’éclairer sur l’intérêt ou le confort de pratiquer du sport en string? Voilà comment Réjeanne brode sur ses lingeries des pseudo valeurs féministes avec l’aval d’une championne de judo. A choisir, je préfère encore un marketing assumé que des problèmes menstruels voilés par des couleurs fluo et des dentelles.

Enfin, je me réjouis d’admirer Clarisse Agbegnenou sur les tatamis la semaine prochaine, comme d’habitude conquérante, percutante et déterminée (peu importent les sous-vêtements)💪🥋🔥💥. Et j’espère que son (probable) 5e titre mondial suffira pour abolir ce type questions stériles et hors-sujet de la part de certain.e.s « followers ».

Poserait-on cette question à Teddy Riner?

Cette lecture vous a plu ?

Note moyenne 4.5 / 5. Nombre de votes: 8

S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Partagez ce post sur:

Facebook
Twitter
LinkedIn