Noël sans elles.

Action de fin d’année en femmage à Laure Nobels et aux victimes de féminicide.
Ecrit par Lola Mansour

Ecrire sur ce sujet est une tâche délicate car les mots semblent ridicules face à la douleur, aux traumatismes et à l’horreur de chaque histoire. Je suis donc plantée devant mon clavier depuis bientôt 1 heure, mon thé refroidi dans sa tasse et mon chat est déjà passé par toutes les poses de yoga sur son coussin préféré.
Comment évoquer l’insoutenable et en illustrer la gravité sans basculer dans du sensationnalisme? Bien que je ne fasse pas le poids devant les témoignages des victimes et des véritables acteurs.ices de terrain, je tente ici l’exercice avec mon modeste point de vue d’ “outsideuse”.

Tout au long de l’année, la plateforme Mirabal recense les crimes envers les femmes en Belgique (puisque nos autorités ne fournissent pas de chiffres genrés). Ces meurtres sont d’autant plus glaçants lorsqu’on réalise qu’ils font partie d’un mécanisme: les meurtriers ne sont pas des psychopathes sortis d’un thriller américain mais des amis, des compagnons, des pères… Des hommes tellement ancrés dans leur toute-puissance qu’ils considèrent les femmes comme leur propriété: des objets de désir et d’exploitation dont ils s’octroient un droit de vie et de mort. Loin de “faits divers” isolés, les féminicides sont le fruit d’un système de domination masculine dans sa forme la plus violente.

http://stopfeminicide.blogspot.com/p/violences-machistes.html


Le dégoût est d’autant plus vif quand on prend conscience de la négligence des institutions censées être garantes de la prévention, la protection et l’accompagnement des victimes. La police, la justice, les médecins, les assistant.e.s social.e.s, les administrations… Trop de témoignages soulignent les nombreux manquements à tous les échelons du système. Un abandon aussi incompréhensible que difficile à digérer.
Grâce à une sensibilisation générale et une certaine prise de conscience politique, aujourd’hui nous pouvons compter sur une poignée d’endroits spécifiquement formés pour la prise en charge des violences machistes.

Ex: Le CPVS au CHU Saint-Pierre pour les agressions sexuelles, où tous les volets sont réunis (juridique, médical, psychologique). https://www.320ruehaute.be/nos-consultations/le-centre-de-prise-en-charge-des-victimes-de-violences-sexuelles-cpvs/).

Cependant, en dehors de quelques députées (et en dépit du travail des associations de terrain), la volonté politique de placer la question des violences faites aux femmes en priorité de leur programme me semble dérisoire par rapport à l’urgence de la situation. Les moyens déployés en sont l’illustration, si j’ose comparer à la vitesse de réaction lorsqu’il s’agit de restreindre nos libertés durant la crise sanitaire et à l’implication des voisin.e.s pour dénoncer les rassemblements clandestins (tout en laissant les violences conjugales dans l’angle mort de leur foyer).

D’ailleurs, parlons-en des “simples” citoyen.ne.s, comme toi, moi, qui avons la chance d’être préservé.e.s mais qui sommes concerné.e.s par tous les échecs et injustices d’une société (dont nous faisons partie). Il nous incombe de prendre le relais, pour permettre aux victimes rescapées et victimes collatérales de se reconstruire (en espérant que cela soit possible…).
Pour cela, il suffit de parler, écrire, filmer, créer, partager, réagir, sortir avec une pancarte, coller des affiches… Il est important de le rappeler dès qu’une occasion se présente, chacun.e avec ses moyens, même quand le vocabulaire manque. Continuer tant qu’il restera une seule victime et que des familles passeront un noël -païen ou non- sans elles.

Quelques mots sur la Fondation Laure Nobels.

J’ai connu la Fondation Laure Nobels grâce à un concours d’écriture. Une expérience qui a boulversé mon année 2018 (année déjà particulière dans mon parcours sportif). Impossible de sortir indemne d’une telle rencontre! Au-delà des livres, j’ai adopté l’histoire de Laure et de ses parents. Comme un électrochoc: je me suis pris en pleine face les conséquences des violences sexistes mais aussi leur force d’honorer la mémoire de leur fille à travers la Fondation, en dépit leur détresse, des dysfonctionnements de la justice et de l’impunité. J’ai compris que je devais réagir aussi.
Laure Nobels était une jeune romancière, rayonnante et passionnée. Elle a été assassinée à l’âge de 16 ans par Z, le jour où elle l’a quitté. Après ce drame, ses parents ont créé la Fondation Laure Nobels, un projet visant à soutenir les jeunes auteurs et autrices belges. Chaque année, Isabelle et Claude offrent la possibilité à un.e lauréat.e de publier un premier roman dans le cadre du Prix Laure Nobels. Ils accompagnent les jeunes durant tout le processus de correction et de publication avec conviction, professionnalisme et bienveillance.

https://fondationlaurenobels.be/

Action de fin d’année

A partir décembre 2018, avec des ami.e.s et connaissances, nous avons donc décidé de nous exprimer publiquement via des actions “coup de gueule”. Une occasion de rendre “femmage” aux victimes de féminicide et à leurs proches, à une période marquée par plusieurs dates symboliques: non seulement les fêtes de fin d’année, généralement propices aux rassemblements familiaux (peu importe les croyances) mais cela coïncide également avec l’anniversaire de Laure, le 22/12.

Un premier sit-in dans le nord de Bruxelles, le 22 décembre 2018.

En décembre 2019, quelques cascades sur la Grande Roue à Sainte-Catherine

© Camille Wernaers
© Pierre Kapsalis

Le 22 décembre 2020, vidéo à la Place de la Monnaie.

Fanny Appes, une rencontre improbable.

Lors de notre récente action à la Place de la Monnaie, où nous filmions une vidéo en référence à la scène culte du film Love Actually, une passante s’est arrêtée pour nous questionner. Il s’agissait de Fanny Appes Akenga, une athlète de haut niveau belgo-camerounaise, ayant survécu à une tentative de meurtre par son ex-compagnon sur le chemin de son travail…. Ce malgré les 7 plaintes déposées à la police de Braine L’Alleud!!!!?
Ces quelques lignes ne suffiront pas pour résumer son histoire (j’espère que l’occasion se présentera prochainement🙂). J’ajouterai simplement, une fois de plus, en dépit d’un traumatisme encore frais, qui aura non seulement détruit son rêve olympique de Tokyo mais tout ce qu’elle avait construit, et malgré les failles répétées d’un système l’ayant livrée à elle-même au péril de sa vie… Fanny a trouvé la force de se joindre à nous, au centre de cette place, pour soutenir les autres. Depuis son agression, elle s’exprime régulièrement via ses réseaux sociaux sur les violences envers les femmes alors qu’elle est elle-même en profonde reconstruction. Une voix qui fait écho à tellement de cas de violences sexistes et qui mérite de résonner bien au-delà des quelques articles consacrés à son agression.
Pour paraphraser ce qu’elle a écrit: “certaines rencontres nous confirment que nous sommes au bon endroit, au bon moment”.

https://www.rtbf.be/info/regions/detail_l-agresseur-presume-de-fanny-appes-libere-sous-conditions?id=10511919

Fanny Appes à droite de la photo
© Diane H.

🖤🤍

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